Depuis ma petite enfance jusqu'au milieu de mon adolescence, je n'avais jamais vu de pièce de théâtre, d'opéra ou de comédie musicale, ni assisté à un concert, ni visité un musée ou une galerie d'art, ni fait un voyage pour le plaisir. Pas d'histoires à l'heure du coucher. Il n'y avait pas d'albums pour la jeunesse dans le passé de mes parents, pas de livres dans notre maison, pas de poésie ni de grands mythes, pas de curiosité exprimée ouvertement, pas de blagues familiales. À l'école, j'aimais les rares visites d'usine. Plus tard, ni l'électronique ni même l'anthropologie, et encore moins un diplôme de droit, ne remplacèrent l'apprentissage de la vie de l'esprit. Aussi, quand ma bonne fortune m'offrit des opportunités de rêve, me libéra de mes tourments, quels qu'ils aient pu être, et m' emplit les poches d'or, je restai paralysé, inerte. J'avais voulu être riche, mais sans jamais me demander pourquoi. Je n'avais d'autres ambitions qu'érotiques, et que l'achat d'une maison coûteuse au nord de la Tamise.
Ian McEwan, Une machine comme moi, Gallimard, 2020 (trad. France Camus-Pichon).
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