Il était au point de départ de l'action. Debout à la fenêtre de son logement, il se trouvait dans l'incapacité totale de déterminer si la nuit était tombée. Du côté des événements passés, il revoyait un corps très frêle frémissant entre ses doigts. Il imaginait la rampe de l'escalier, derrière lui, toute de bois vermoulu. Arrivé en haut des marches il ouvrait à nouveau le dossier abîmé qui était calé sous son coude, le récit liminaire de la conjuration, le témoignage premier.
Tout à présent lui revient en mémoire : au moment de la puberté, on lui annonce qu'il est héritier d'une lourde charge symbolique. Puis on le place en insititution, avec des avantages dont il ne cesse de vouloir se débarasser. Malgré tous ses efforts, il devient rapidement le bouc-émissaire de tout le dortoir et subit des brimades répétées. Sa force de conviction, bizarrement, en ressort grandie. Il se persuade que le symbole qu'il porte mérite de passer outre ces épreuves. En un sens, il se considère comme un messie. Mais à mesure que les années passent, il ignore toujours ce qu'il est chargé de transmettre. Un texte mystérieux, contenu dans un dossier précieusement archivé, doit l'éclairer. Il a eu cette révélation dans un demi-sommeil. Il cherche ce dossier. Y compris dans sa mémoire. L'épisode de l'escalier vermoulu est une fausse route. De même, hélas, que l'épisode de la fine enveloppe charnelle qu'il agrippe avec délectation.
Il sera un jour considéré comme le précurseur du lendemain. Le faiseur de jardins. Pour l'heure il est seul, il doute et il a froid : c'est à la mesure de l'avenir qui l'attend, ainsi, partant, de celui auquel va s'exposer sa renommée. Il ne sait pas vers où aller, ni s'il doit croire ses pensées ou bien divaguer encore. Il est pourtant, de manière certaine, engagé sur le chemin qui conduit de la honte à la joie. Il ne se retournera pas dans sa course, de peur de tomber pour de bon.
27.9.08
Markus Babeuf
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