22.4.21

d'O




L'éclairage des édifices bancaires étincelait à travers une verrière soutenue par des entretoises en acier et de gigantesques pylônes en béton. J'étais comme un paysan à l'intérieur d'un temple, bouche bée devant les immenses bannières publicitaires vantant le chocolat Ritter et la social-démocratie.

(...)

Quand la musique s'arrêtera, quand l'humanité se divisera, laissant d'un côté ceux dotés d'un bon capital d'individualité, riches de subjectivité, et de l'autre, ceux à qui on ne doit rien, qu'on peut utiliser et jeter sans scrupule, quels souvenirs garderons-nous des créatures que nous avons été ? Les moi augmentés capables de voir dans l'infrarouge et qui ne mourront jamais ; les exploités, vaguement conscients d'un monde au-delà des paquets qui viennent vers eux sur le tapis roulant. Comment nous, leurs ancêtres, leur apparaîtrons-nous ? Comme des figures dans un dessin d'architecte, stylisées, schématiques, un peu floues. Des silhouettes seulement là pour donner l'échelle des bâtiments anciens.


Hari Kunzru, Red Pill, Christian Bourgois, 2021 (trad. Élisabeth Peellaert). 


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