Le rose monte aux joues de maman. Elle se lève brutalement. Elle lance des pièces sur la table comme si elle était lui, et me dit qu'on y va. Elle attrape ma main. Il se lève et nous emboîte le pas. Je pense Gros balourd, tas de viande. Je murmure : «C'est quoi un appartement communautaire ?» Maman presse le pas. Elle sait qu'il marche comme un vieux. Si on s'applique, moi surtout, on va le semer sans problème. «L'appartement communautaire est une utopie. Vu par lui, tu veux que je te dise ? C'est habiter gratuitement dans un appartement en payant les cohabitants avec des Neuchâtel.» Elle me fait un sourire figé, colérique, bizarre. Je me dis qu'on ne verra plus sa face de rat qui dit du mal d'Inès. Mais au bout de quelques pas, je pense que c'est injuste, qu'il va me manquer. C'est son ami imaginaire qui lui a fait un sale coup. Il va revenir. On aura tous tout oublié.
« Allez, ne te retourne pas, me demande maman. Tout va bien. Allez, on marche comme si tout allait bien, et il se calmera.»
Donc il reviendra.
En fait c'est comme une épidémie. C'est par vague. Ça monte, ça descend, mais ça ne s'arrête jamais.
Claire Castillon, Son empire, Gallimard, 2021.
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