Les enfants luttèrent sur le lit, alternant éclats de rire et gloussements, et elle les regarda, obsédée par eux comme si tous deux étaient nés pendant la nuit. Ils étaient entiers, parfaits. Elle ne se rappelait pas une seule fois où ils l'avaient dérangée dans son sommeil, épuisant sa journée de leurs demandes. Elle vit combien ils emplissaient scandaleusement sa maison, avec une force plus grande qu'eux, tels des anges ou des extraterrestres. Leur peau si fraîche qu'on aurait cru qu'ils avaient des halos automatiques autour d'eux.
(...)
Molly avait toujours trouvé ça un peu fourbe, le fait de coucher les enfants dans des pyjamas tout doux, de leur donner du lait, de leur lire des livres, de retrouver leur peluches égarées, de leur dire que tout va bien, qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur, comme si le sommeil n'était pas un seizième de la mort. Quand ils résistent à l'idée d'aller de coucher, de passer de longues heures tout seul dans le noir, devinant qu'il s'agit là d'une répétition de la mort, nous leur parlons tout bas, nous leur frottons le dos, en faisant comme s'ils n'allaient jamais mourir. S'ils savaient que secrètement nous croisons les doigts, et que nos cœurs eux aussi palpitent d'angoisse quand nous éteignons nos lampes de chevet.
Helen Phillips, La Femme intérieure, Cherche-midi, coll. Vice caché, 2020 (trad. Claro).