26.5.07

Skitzo Crunk Punk Slump

Existereo, c'est un peu le rappeur parfait. Techniquement habile (léger euphémisme), ouvert et sans oeillères, surproductif et entouré de gens très talentueux (de Mickey Avalon à Daddy Kev, en passant par dDamage, Bigg Jus et la troupe Oldominion), le californien est devenu en quelques années seulement une des valeurs sûres de l'underground westcoast.

Pourtant, si son premier vrai album solo Dirty Deeds And Dead Flowers et le Livin La Vida Boo Hoo réalisé avec Barfly et Factor sous l'égide Candy's.22 étaient plus que recommandables, Exist se révèle encore plus à son aise sur des projets bâtards ; ces street-cds qui ne sont pas de vrais albums et qui fourmillent de cover-tracks et de freestyles. C'était flagrant sur le tour-cd génial de Candy's.22 (On The Roadkill Again) et ça se confirme avec Mixed Drinks vol.1 auquel le label russe 2-99 vient d'offrir une seconde vie.
Originellement gravées sur un vulgaire CD-R, ces quarante-cinq minutes de freestyles frénétiques entrecoupés de dialogues de films et de messages de boîte vocale, se retrouvent dans un nouvel écrin luxueux (digipack et nouvel artwork grande classe). Reprenant à son compte des prods. servies à Clipse, TTC, Dizzee Rascal ou Busdriver, le sieur Courtney enchaîne les punchlines, les séquences de double-times et les gimmicks punk en compagnie des copains Andre Legacy (alias Metfly), Dirt Nasty et Mickey Avalon.

Extrait : California Boomin/Hollywood Dopers

25.5.07

Livres pour les poches

Hubert Selby Jr. Waiting Period (10/18)
Ultime parabole géniale et noire du maître Selby. Long monologue aux accents céliniens parfaitement traduit par Claro (encore lui).

"Et me voilà ici à présent à attendre. Le système pourri ne fonctionne pas. Toujours le système. Impossible d'y échapper. Cette saleté de vie merdique. Veut juste me torturer. Je trouve enfin un but dans ma vie et ils font tout capoter. Me laissent même pas me suicider bon dieu de merde. Quelle sorte de folie est-ce là ? Ils continuent de vous presser jusqu'à ce qu'il reste rien.(...) D'abord ils vous rendent la vie impossible, puis ils vous empêchent de mourir. Attendre. Ouais, bien sûr, attendre c'est tout. Rester là à laisser l'air rentrer en force dans vos poumons. Si seulement je pouvais juste arrêter de respirer, mais non, ça serait trop facile. Fumiers, salopards ! C'est eux qui devraient mourir. C'est contre eux que je devrais retourner mon flingue. Peut-être un de ces automatiques."




Driss Chraibi Le Monde à coté (Folio)
Livre autobiographique déjanté du plus iconoclaste et libéré des auteurs marocains, décédé le mois dernier.

"Crest. 24 juillet 1999. Six heures et demie du matin.
Je viens de déposer les sacs-poubelle dans le container du coin de la rue et d'acheter Le Dauphiné Libéré au Bar Des Halles. Un titre en première page m'a sauté aux yeux : HASSAN II EST MORT. Les habitués du café commentaient les nouvelles locales en sirotant leurs verres de vin rouge. Je les saluai et ils me souhaitaient une bonne journée. Le ciel était pur.
De retour chez moi, je trouvai Sheena en tête à tête avec sa première tasse de thé. Sur le plus grand brûleur de la cuisinière, une casserole d'eau était en train de chantonner, de quoi remplir une autre théière dans un petit moment. Je pensais à Alphonse Allais. "Je me susi longtemps demandé pourquoi les Anglais aimaient tant le thé, disait-il. Et puis, un jour, j'ai goûté leur café..." Sheena n'est pas anglaise, mais écossaise. Elle tient énormément à son idéntité. Mais le thé est le thé. Ses yeux sont toujours d'un bleu paisible et elle n'a pas pris une ride en vingt et un ans de mariage.
Elle a bu une deuxième tasse, lentement, le temps de la réflexion peut-être bien, avant de me dire :
- On t'a téléphoné hier soir du Maroc. La radio d'état voulait enregistrer ta réaction à chaud. C'est Tarik qui a pris la communication. Il a répondu que tu dormais et qu'il ne se permettrait pas de te réveiller. Tu connais Tarik.
Je crois le connaître en effet : quinze ans d'âge, un mètre soixante-quinze, le laconisme en chair et en os. J'imagine aisément ce qu'il a dit :
- Oui ?...Oui...Quel roi ?...Ah ?...Pas possible, il dort. Salut."


Jean-Paul Dubois Parfois je ris tout seul (Points Seuil)
Un petit recueil de textes courts, de chroniques furtives et d'historiettes décalées par le plus gentiment obsessionnel de nos auteurs contemporains.

"Elle dit des choses graves qui, normalement, devraient me démolir. Elle s'en prend à notre vie, à ce que j'en ai fait. Elle a sans doute ses raisons pour me reprocher tout cela. Ce qu'elle ignore, c'est qu'en ce moment même, au coeur du drame, malgré ses cris et ses reproches, je ne l'entends pas. Assis dans mon fauteuil, la tête légèrement inclinée, je n'écoute que le bruit de la pluie qui rebondit sur les tuiles du toit. Et je pense à toute l'herbe qui pousse. Et à la tondeuse qui m'attend."

21.5.07

Just a dude


Si Devin The Dude n'est pas le premier nom qui vient à l'esprit quand on évoque la scène rap de Houston - particulièrement sous les projecteurs depuis les succès commerciaux de Chamillionaire, Paul Wall et les autres - il n'en est pas moins l'un de ses représentants les plus actifs et les plus intéressants, l'une de ses valeurs les plus sûres.

Alors que son quatrième album studio "Waitin To Inhale" vient d'être parachuté par l'inénarrable maison Rap-A-Lot, le texan semble être enfin sur le point d'abattre la cloison qui le sépare du mainstream. Une promotion amplement méritée pour cette référence underground si l'on se penche de plus près sur sa discographie solo (4 albums très personneles et presque irréprochables), ses prestations au sein des formations Coughee Brothas, Face Mob et Odd Squad et ses apparitions ponctuelles aux cotés de Dr Dre, Snoop Dogg, UGK, Scarface ou Too Short. Avec un casting presque parfait (Snoop Dogg, Lil Wayne, Andre 3000, Bun B...), des hits laid back à la pelle et une dose suffisante de singles FM, "Waitin To Inhale" est certainement le meilleur album de Devin depuis son premier opus éponyme de 1998.

Collection de sérénades enfumées et de digressions sur ses thèmes de prédilection (women, wine and weed), portées par une vraie science du refrain, un timbre de voix très personnel et un humour caractéristique, le successeur de l'inconstant "To Tha Xtreme" devrait asseoir la réputation de Devin Copeland et lui permettre de s'imposer auprès du grand public. Enfin.


Article publié dans le numéro 25 de Clark Magazine, en kiosques.

20.5.07

"Serments de supermarché"

- Je suis obligé de vous dire la vérité.
Je n'ai jamais aimé mes enfants, ni leur mère. Je suis resté toute ma vie fidèle à la mémoire d'une jeune fille qui est morte par ma faute dans un accident. Nous avions dix-neuf anstous les deux, et en rentrant du ski, aveuglé par la neige que les essuie-glaces ne parvenaient pas à balayer, j'ai donné un coup de volant intempestif et nous nous sommes encastrés dans un camion.
- A ses obsèques, son frère m'a cassé la figure.
Tout en pleurant, ses parents me lançaient des regards pleins de haine pendant que la messe battait son plein. Je leur ai envoyé une lettre le soir même. Je leur ai juré qu'en souvenir de leur fille, je n'aimerais plus jamais personne. Malgré les tentations, j'ai su maîtriser mes sentiments, et j'ai tenu parole jusqu'à aujourd'hui. Je sais que les morts ne peuvent pas nous voir, mais si par hasard ils nous voyaient, elle pourrait constater à quel point je suis demeuré inflexible, même quand els gosses se jetaient dans mes bras et m'embrassaient comme des amours.
- J'aurais pu rester célibataire.
Et, pour me montrer plus rigoureux encore, n'avoir des relations qu'avec des prostituées, ou pousser le stoicisme jusqu'à vivre dans la chasteté. Mais dans ma famille tout le monde se marie, se reproduit, et je ne voulais pas passer pour un rebelle dont aurait jasé sitôt qu'il aurait eu le dos tourné. J'ai épousé la première femme que m'a présentée ma mère. Comme par chance elle ne me plaisait pas, il m'a été facile de dédaigner ses cajoleries et ses serments de supermarché. Je l'ai rendue heureuse, elle a accouché par deux fois de sujets viables qui pour l'instant n'ont connu de l'existence que la santé et la réussite.
- Elle a eu aussi son content de monnaie.
Avec sa carte de crédit, elle a pu s'acheter tout ce qu'elle voulait. J'ai caliné les enfants quand il le fallait, j'ai haussé le ton pour qu'ils pensentà leur avenir au lieu de s'amuser. Comme si leur avenir me préoccupait. Je peux me vanter d'avoir fondé une famille impeccable, qui fonctionneaussi bien qu'un réacteur de jet. Si vous veniez à la maison, vous auriez surement l'impression de toucher du doigt le bonheur. L'indifférence est transparente, elle laisse passer la lumière et la joie.




- J'aurais préféré une autre vie.
Depuis sa mort, la solitude a fait son chemin. Et l'indifférence. La froideur a fini par me glacer tout entier. La tristesse m'est devenue aussi inaccessible que le plaisir le plus anodin. Il est vrai que je me suis senti coupable de l'avoir tuée, mais je n'ai pas éprouvé le moindre chagrin de l'avoir perdue.
- Je ne l'ai jamais aimée.

Regis Jauffret, in Microfictions, Gallimard, 2007



Mise en contexte :
Regis Jauffret est né à Marseille en 1955. Il a publié plusieurs romans, quelques recueils de nouvelles et une pièce de théâtre. En 2005, il a obtenu le prix Fémina pour "Asiles de fous", l'un des meilleurs romans français de ces dernières années et l'un des plus aboutis de son auteur. Son dernier ouvrage, "Microfictions", est un volume de plus de 1000 pages composé de 500 histoires (qui ne sont ni des nouvelles ni les chapitres d'un roman). 500 explorations dans les cerveaux de 500 personnages (souvent des femmes) qui tuent, gueulent, rient, pleurent, s'excusent, racontent, rêvent ou digressent.
Les sujets d'étude du docteur Jauffret sont pervers, allumés, humiliés, malades, perdus, énérvés ou grotesques.
Jauffret maîtrise l'attaque et la chute comme personne. Son écriture est tendue, violente et surprenante. Jamais un mot de trop.
Violent, précis, libre, obsessionnel, Jauffret écrit beaucoup et bien. Profitez-en.


gratuit, gratuit, payant

Pas de littérature, pas de poésie aujourd'hui. Mais pas mal de musique.

Tout d'abord, un album gratuit d'un des meilleurs rappeurs du 21ème siècle, à savoir Giovanni Marks, également connu sous le peudonyme Subtitle, fils illégitime de la famille Project Blowed et moitié du duo Labwaste.
Ca s'appelle "The Black Adam Mixtape vol.1" et c'est 45 minutes de freestyles, beats, remixes et chansons jamais sortis. Et ca se passe sur Hip-Hop Core


Ensuite, un mix de l'ami Pseudzero, boss du label (vulgar) et activiste émérite hailing from Montpellier, Hérault. Avec Eminem, Sergio Mendes, Lil Flip, Mr Oizo, Ying Yang Twins, Ghislain Poirier, Modeselektor, edIT, TTC, D-Styles, Busdriver, Food For Animals et plein de gens que je ne connais pas. Clique ici, le jeune.


Enfin, un peu de musique payante parce qu'il faut pas déconner.
23 instrumentaux produits par Thavius Beck (alias Adlib, autre moitié de Labwaste et copain de Saul Williams et NIN) téléchargeables à l'unité ($0.99 chacun) ou en un seul coup ($10.99) sur la page MySpace du monsieur.