30.4.08

Dialogue oculaire (et chaîne ô combien claire)


O-K-I-G-U-E-S-S-I-L-L-C-A-L-L-Y-O-U-B-A-C-K-T-H-E-N-L-A-T-E-R-I-T-H-I-N-K-Y-O-U-G-O-T-T-H-E-N-U-M-B-E-R-T-O-T-H-E-S-P-O-T-B-Y-E


Look Daggers (2mex & Ikey Owens), 'Call U Later', Suffer in Style, Above Records, 2008.

28.4.08

Echenoz samplé

Par exemple, je le dis sans fausse humilité, et non pas comme prédateur ni comme copieur : ce n'est pas me mettre sous, ni même adopter posture de suiviste ou d'élève, j'ai toujours cannibalisé ce qu'il nous fait découvrir. Depuis que j'ai placé une fois un fragment de son inventaire des murs anti-bruits de nos autoroutes dans une page, je n'ai jamais publié un livre sans qu'il comporte, secrètement, un sample d'Echenoz, et pareil pour mon copain Séréna : on se dit que si à tel endroit on le recopie, c'est qu'on se sera mis un instant à ce lieu où le réel de la fiction, en tant que reconstruction perceptive du monde, remplace ce que la pratique ordinaire nous enseignait de nos rues, nos voitures et nos appartements, encore reconnaissable mais évincé.


François Bon, Sur Jean Echenoz, Publie.net, 2006

Ouvrage feuilletable en suivant ce lien

23.4.08

Interview exclusive de Charly Delwart


Lors de la dernière rentrée littéraire, un jeune trentenaire du nom de Charly Delwart signait Circuit au Seuil, dans la prestigieuse collection « Fiction & Cie » : un premier roman bien éloigné des affres de la littérature trentenaire telle qu’elle est en passe de se voir aujourd’hui packagée. Le personnage principal, Darius, est un être plutôt torturé dans un monde qui se shoote à l’immédiat. Loin de se complaire dans une vraie-fausse banalité, il prend à bras le corps ce que la « modernité » a de plus vivace et qui ressemble à un culte de l’événement. Convié pour un temps dans les locaux d’une entreprise audiovisuelle, Focus, il décide petit à petit de s’y installer sans avoir été engagé, repoussant chaque jour un peu plus loin les limites du factice. Une course dérangeante se met alors en place, en forme à la fois de fuite en avant et de compte à rebours. Un texte haletant, dont on pourra goûter la portée visionnaire.



Randomizm : comment vous est venu à l'idée le thème de l'imposture (imposture vis-à-vis du travail, imposture vis-à-vis de l'information) ?

Charly Delwart : je me suis retrouvé à attendre un plan social, une situation absurde avec tout ce qui peut faire croire à un travail sans travail pour autant. M’y rendant chaque jour par obligation légale. Plus tard, j’ai entendu l’histoire de quelqu’un qui avait occupé un bureau à Radio France. Cela m’a semblé, par rapport à ma situation passée, le stade au-dessus : tout ce qui peut faire croire à un travail sans travail pour autant, et sans salaire. Je me suis demandé qu’est-ce qui ferait qu’un personnage dans la première situation décide de se retrouver dans la seconde situation. Que cela ait un sens pour lui. Je me suis rendu compte que pour passer de l’une à l’autre, il fallait un grand détour (suivre les hauts et les bas de l’errance, être en phase avec le monde puis plus). Jusqu’à ce que la petite peur apparaisse, une énergie instinctive qui trace un chemin dès lors plus direct, et rende cela évident pour le personnage.


Quelle est votre situation professionnelle et dans quelle mesure a-t-elle pu interagir avec l'écriture du roman ?

La fin de ma situation professionnelle passée ressemble de très près au début du roman. L’écriture est une forme de digestion, du fait d’avoir attendu d’une logique extérieure la suite des événements. Le personnage de Darius passe de cette logique à une logique personnelle qui fait avancer les choses.


Diriez-vous que Circuit est une allégorie du pouvoir ?

Pas une allégorie mais un traité de survie. Qui est une prise de pouvoir, contre les glaciations, contre ce qui va à l’encontre du mouvement. Pour cela, retrouver une énergie présente depuis le premier protoplasme dans chaque forme vivante, renouer avec cela, suivre la petite peur qui est à la fois un moteur, du trac à l’idée de faire, une envie forte à y penser, quelque chose qui donne le sentiment d’être en vie, qui contraste avec l’apathie qu’il a connue avant, une petite peur qu’il lui faut entretenir en lui, rechercher.

Peut-on voir un lien entre le système médiatique que vous décrivez et la "machine bureaucratique" de Franz Kafka ?

Moins le système médiatique que le monde de l’entreprise. D’autant quand ce monde se « bureaucratise », quand il a pris une certaine ampleur. Quand les procédures internes, les flux d’informations, les rapports hiérarchiques deviennent très organisés. Et quand parallèlement, ce développement de codes nouveaux tend à faire ressembler une multinationale à une autre. Mais à l’inverse de la machine bureaucratique de Kafka, le personnage comprend les codes face auxquels il se retrouve chez Focus, pour les avoir vu ailleurs et parce qu’ils ont un sens. Ils sont une donnée qu’il prend en compte.

La proximité avec les personnages des romans de Michel Houellebecq vous est-elle apparue ?

Non.

Quelles sont les strates d'écriture et/ou de récriture qui vous ont permis d'obtenir un résultat narratif homogène ?

Un synopsis d’une trentaine de pages pour dresser les lignes narratives principales. L’écriture du roman en gardant du synopsis une direction et un cadre. Des multiples réécritures. Pour réécrire ensuite dans la distance que permet le fait d’avoir compris pourquoi avoir écrit cette histoire. Il y a une phrase-clé qui dit : “what do you want to know in the writing of it”. Répondre à la question, comprendre pourquoi, ne peut avoir lieu qu’à la fin de l’écriture, et c’est cela qui permet justement d’achever le roman, qu’il soit une fiction destinée à être lue par d’autres. Le travail enfin avec l’éditeur qui oblige à revoir le texte avec une distance nouvelle, à aller un pas plus loin, à faire confiance à son texte, se confronter à des choses pas vues jusque-là et avancer dans certains retranchements. Ce qui a donné des coupes, un rythme plus serré, une trajectoire vers plus d’homogénéité, de clarté.


Comment avez-vous dessiné les traits principaux du caractère de Darius : le rapport aux femmes, le désir d'indépendance, les accès de déprime ?

Le rapport aux femmes est résolument schématique, il est question d’une reconstruction, d’un rapport entre le personnage et lui-même, plongé dans le monde, ce qui laisse peu de place, de disponibilité mentale pour les relations amoureuses. L’indépendance est un des résultats de sa recherche, la construction d’un système à lui. Le chemin similaire à celui qui mène, dans l’évolution des espèces, d’une carapace extérieure à un squelette interne. Pour les accès de déprime, ils sont ce qui accompagne un parcours qui tend vers du fondamental, les accès n’étant pas des états de déprime en soi mais des passages, des possibilités de dévier d’un chemin, un temps d’arrêt, de doute qui fait partie des risques possibles dans le chemin qui va de vouloir à réaliser.



Photos Sébastien Dolidon.

21.4.08

L’icône-Bendit


La lutte est acharnée mais PLPL ne décerne la laisse d’or qu’au plus servile.

La propagande en faveur de la Constitution européenne* mobilise le Parti de la presse et de l’argent (PPA). Les amants du marché unique (Guetta, Elkabbach, Val, Joffrin, Colombani, BHL, etc.) savent pouvoir compter sur leur crécelle multimédia Daniel Cohn-Bendit. « Dany », c’est Pascal Lamy avec des cheveux. Depuis plus de quinze ans, cet ex-anarchiste de télévision est le chouchou du PPA. En France, si seuls les journalistes votaient, Cohn-Bendit braillerait ses vœux de nouvelle année en direct de l’Élysée. Quels vœux ? Plus de marché, plus de guerres de l’OTAN, plus d’émissions de Christine Ockrent. Son amie Christine l’invite en effet presque chaque mois sur France 3. Quand elle lui demande de conseiller un livre (05.10.03), l’ancien lanceur de pavés choisit le plaidoyer pro-giscardien de son copain Olivier Duhamel, un professeur de droit médiocre et prétentieux, à la fois « socialiste » et bon ami de Luc Ferry. « Dany » adore aussi Moscovici (il le tutoie, l’appelle « Pierre ») et Pascal Lamy. Mais c’est Kouchner qu’il préfère. Ensemble, les deux hommes vont publier un livre, Quand tu seras président. Le début de l’année sera donc pollué par les émissions de promotion de ce duo proaméricain. Ces temps-ci, Cohn-Bendit a des soucis. L’« altermondialisation », d’abord, qui alimente selon lui un risque de « dérive totalitaire » ; il s’en est confié à la revue jaune de Chérèque, CFDT Hebdo (n° 295). Le virage bolchevik de Laurent Fabius, ensuite, qui le terrifie d’autant plus que ce spécialiste des carottes râpées (bio) était l’invité de la dernière université d’été des Verts : « Le problème de Fabius, c’est qu’il ne fait plus du Fabius. Il aurait fallu inviter Bernard Kouchner. Lui au moins assume son social-libéralisme. » (Le Figaro, 26.08.03.) En attendant l’été prochain, « Dany » rêve d’un « forum européen, combinant Davos et le Forum social, pour réfléchir à la nouvelle éthique du capitalisme » (L’Expansion, décembre 2003.) Avant que Francis Mer ne le décore de la légion d’honneur, PLPL lui décerne sa Laisse d’Or !

PLPL (Pour Lire Pas Lu) le journal qui mord et fuit, rubrique "La Laisse d'Or", n° 17, décembre 2003.

(*) : depuis 2005, PLPL est d'ailleurs devenu Le Plan B (ndlr).

19.4.08

Ici je vous adresse une prière. Lisez le moins possible d'ouvrages critiques ou esthétiques. Ce sont, ou bien des produits de l'esprit de chapelle, pétrifiés, privés de sens dans leur durcissement sans vie, ou bien d'habiles jeux verbaux ; un jour une opinion y fait loi, un autre jour c'est l'opinion contraire. Les œuvres d'art sont d'une infinie solitude ; rien n'est pire que la critique pour les aborder. Seul l'amour peur les saisir, les garder, être juste envers elles. Donnez toujours votre sentiment à vous contre ces analyses, ces comptes rendus, ces introductions.


Rainer-Maria Rilke
, Lettres à un jeune poète, 1929

18.4.08

Jean-Pierre Léaud : Le Pornographe (Bertrand Bonello - 2001)

"Ce ne sont pas mes films qui sont obscènes, se sont vos questions... Parce que vous me parlez de carrière, et moi je vous parle de ma vie. Voilà pourquoi elles sont obscènes vos questions, voilà pourquoi c'est vous qui êtes obscène, et pas moi."

Extrait du film "Le Pornographe" de Bertrand Bonello, 2001

16.4.08

Nice School


USE THESE MATCHS TO DES-
TROY ALL ART ― MUSEUMS
ART LIBRARY'S ― READY ―
MADES POP ― ART AND AS
I BEN SIGNED EVERYTHING
WORK OF ART ― BURN ―
ANYTHING ― KEEP LAST
MATCH FOR THIS MATCH ―

Ben Vautier, Total Art Match-Box, 1965 (matches, matchbox).

14.4.08

Ginza-plage (contre New York)


Ce qui je dis là n'a aucun rapport avec le fait que je sois japonaise. Je ne cherche pas non plus à me détruire. Le vin blanc, la salade d'artichauts, le fromage blanc, le pain, la confiture et les fruits, le jogging, la walk-gym, le roller-skate, la piscine, le billard, le frisbee, les lofts, les clubs, les studios, les unités de mesure américaines, toutes ces races de chiens, le piercing et les tatouages, la marijuana, le sexe, le cinéma et la mode et les DJ et les parcs et le jus de légumes, les laveries automatiques, les penthouses, j'ai appris d'eux l'art de consommer et de gaspiller, j'ai moi aussi accepté de viellir en espérant vivre plus longtemps, mais ils sont tous épuisés, la tristesse leur colle tant au corps qu'un rien les ferait sangloter. C'est la tristesse du cocon dans lequel il sont enfermés et ils ne feront jamais rien pour le déchirer. Moi aussi, je fais partie de ces gens. Je suis l'un d'eux. C'est une communauté où l'appartenance ethnique n'a aucune importance. Et tout cela m'irrite pronfondément.


Murakami Ryû, Melancholia, 1996.

7.4.08

Un Pajero dans ton rétro
et sur ta stèle des pétunias

Nikkfurie, Poltergheist, Arc-en-ciel pour daltoniens, Kerozen Music, 2005

6.4.08

La scène de l’Athéna


L’histoire vient se poser ici, loin des rails immuables pareils à des ceintures de fer vues depuis les vitres des trains. Le froid naturel est modifié par la densité de l’immense capitale, par l’intensité de la ville et du moment. Il semble qu’ici on ne s’habitue pas. Avenue des Carmélites, les tubes de néon magenta ont été disposés différemment depuis hier. Quand je lève les yeux, ce n’est plus la même artiste qui est vantée. La moitié d’un siècle qu’ils se succèdent un à un, très haut, sur ce panneau. Les plus petits des plus grands et les meilleurs médiocres. Mais surtout tous les autres. Dans ce hall de l’Athéna, tous ont laissé une trace qui perdure au-delà de leur chant, quelque chose de singulier, une coloration de leur visage figée à jamais par des lampes à arc. J’interromps mes pas dans la fraîcheur du matin. J’ai beau faire, le scintillement de ces étoiles disparaît à mesure que j’en convoque le souvenir. L’entrée est sombre, mal nettoyée, des grilles posées à la va vite délimitent son territoire. Bien sûr c’est tout l’objet du mystère, toute la magie qui opère ainsi ; contrer la fadeur du monde et, par chance, à force de talent, l’inverser. Je reste immobile, mon col en laine caresse les lobes de mes oreilles. C’est donc ici. Etre célèbre passe peu ou prou toujours par là. A travers ces cloisons de bois noir, au centre de ce qui est silencieux toute une partie du jour, dans l’air qui surplombe les fauteuils tendus de velours teint en rouge cardinal : très ancienne et à la fois exactement contemporaine, la renommée possède une carte géographique des plus détaillées. Ce petit établissement est un véritable Everest. De l’autre côté de la ruelle qui le longe, un homme déambule depuis quelques instants dans mon champ de vision. Il est certain qu’il ne se rend nulle part, mais qu’il ne pratique pas non plus le sur place. Sa trajectoire dépend directement de celles des passants, mieux elle s’adapte aux rythmes de leurs corps qui se croisent sans schéma. Il est le lien, la force de cohérence dans le flux des badauds entamant sous le soleil une des dernières journées d’hiver. Très vite je m’aperçois qu’il tend la main à une personne sur deux. Afin sans doute que le geste ne se confonde pas avec sa silhouette. Plus proche de lui maintenant que je me suis remis en marche, je remarque qu’à ceux dont il ne sollicite pas la générosité il dit un mot. Je ne distingue pas lequel mais le phrasé en est doux. Il s’approche bientôt de moi, comme il fallait s’y attendre, et comme pourtant je ne l’avais pas encore imaginé. Je me surprends à penser que je ne suis pas prêt à ce qu’il m’adresse quoi que ce soit, parole ou signe de la paume. Et ne sachant lequel des deux va m’échoir, j’ai ce curieux réflexe de me tourner vers l’affiche électrique, vers le pan d’immeuble décoré par les ampoules oblongues qui marquent le nom des vedettes. Athéna-Hall, Frères Arpège. Je ne me suis pas arrêté pour autant, je reprends mon chemin avec la même allure, l’œil au devant. Légèrement en arrière de moi, j’entends qu’a repris la litanie de ces mots distribués avec parcimonie. C’est le signal. La journée a commencé. Le trajet vers le travail va s’achever. Une jeune femme passe devant moi et ralentit, pour, je le devine, aller à la rencontre du mendiant.
“Une femme ça vous intéresse ?”


Elle fait signe au vagabond avec une moue qui paraît bouder et le regard planté droit vers le sien. Son allure étonne, très délicate mais sans contour marqué, sans réelle grâce du maintien. C’est bien plus l’enchaînement de ses mouvements qui frappe, plutôt que son allure. Ses cheveux sont attachés de justesse et prolongent l’arrière de son crâne d’une queue de moineau. Elle a un nez fin et court, il équilibre la chair de ses joues, hautes et saillantes. La phrase qu’elle a prononcée a tout des airs d’une catin. Choquante, elle ne l’est pourtant pas vraiment dans sa bouche. Le manteau en laine noire qu’elle porte n’est pas boutonné en entier. Le corsage qu’il découvre laisse deviner une poitrine ample mais dont la vigueur se fane déjà. Son sourire s’arrête au quart de son dessin possible. On pourrait même croire qu’une amorce de révérence est ce qui décrit le mieux la combinaison de ses pas. En moins d’une seconde mon impression se forge : c’est avec elle que j’assistai deux ans plus tôt à un concert de l’Athéna ; ou avec une personne au physique très semblable. Quoique plus attrayant. Plus charmant dans ma mémoire. C’était une représentation unique d’un Anglais en exil. Il avait la voix des vieilles esclaves dont regorgeait jadis le delta du Mississippi. Nos mains l’une dans l’autre étaient moites. Je crois que nous n’osions même pas nous regarder. Il doit s’agir d’une autre, bien que la ressemblance soit surprenante. A vrai dire les paroles qu’elle vient de prononcer comptent peu pour moi. Je crois, simplement, préférer que ce ne soit pas elle. Le moment est très bref mais la pensée précise : je l’aurais souhaité alors plus désirable, une survenance plus flatteuse. Comme si l’artiste à l’unisson duquel nous avions vibré ce soir là avait bu le nectar de nos coupes, nous laissant l’aigreur des tanins. La célébrité chante sa propre gloire, pas celle de qui ne fait que l’approcher. Je trouve cela pénible à dire mais les feux de la rampe ce matin me donnent froid. S’ils ne peuvent pas même servir à me faire croire que mes aventures, fussent les plus brèves, prolongent l’impact de mon tour de piste sur cette terre, l’espoir est maigre. Dois-je en venir à espérer ne plus croiser de connaissances, vivre entièrement tendu vers un avenir dont je sais qu’il sera à jamais inférieur à celui des vedettes ? En offrant son corps avec autant de naturel et de candeur, cette femme me cause un tort qui me paraît presque cruel. J’hésite à hurler son nom, mais aussitôt je m’empresse d’en oublier les sonorités. Au sortir de la salle ce soir-là, elle avait eu ce rire fréquent à mi-chemin du gloussement, mais qui en venant l’avait rapproché de moi d’une singulière façon. Je ne m’étais pas assoupi tout de suite une fois couché. Contrairement à mon habitude. Le bloc de ciel au-dessus de moi est maintenant parfaitement immobile, j’en ai la certitude. Cet instant n’existe pas. L’air est aphone. Soudain l’écran sur lequel se serait déployé cette scène laisse place à une seule image, tirée de la structure la plus profonde de mes rêveries d’enfant. L’image est à l’envers, comme parfois certaines photographies sont reproduites, à la manière du reflet dans le miroir. Une jeune femme en robe jaune et bleue tend un fruit à une sorcière dont les traits sont si pénibles qu’aucune trace de féminin n’en subsiste.
“Une pomme ça vous intéresse ?”

4.4.08

Le devoir de mémoire

Je ne pense pas qu'il existe un devoir de mémoire, au sens où on l'entend. On n'a jamais pu oublier autant, et aussi vite, que de nos jours. C'est une bonne chose, d'une certaine façon. Le devoir de mémoire est une invention du vingtième siècle, destinée à opprimer les masses. Pour qu'on ne puisse pas s'amuser, même si on le voulait.

(...)
On fait trop de cas du souvenir. Ce qu'on oublie c'est aussi ce qu'on s'est approprié, ce qui est là et qu'on n'a plus à réfléchir. Par ailleurs le refoulement, quand on y pense, quel mécanisme formidable. Ce qui doit rester du passé, reste. Ca suffit bien. Je suis pour un darwinisme de la mémoire.

Jakuta Alikavazovic, Corps Volatils, L'Olivier, 2007

3.4.08

Dialogue lunaire


Le gouvernement était mené par une bande de trous du cul, dont l'inénarrable André Malraux. Ses écrits sur l'art sont ridicules. Vous dites que Godard est fasciné par Malraux ? On est toujours étonné par le comportement des Suisses.



Claude Chabrol, interview accordée aux "Cahiers du cinéma" n° 633 (propos recueillis par Emmanuel Burdeau et Cyril Neyrat), avril 2008.


1.4.08

Jazzy Girl


Issu de sa dernière production, Addicted To Sorrow, disponible en téléchargement libre sur son site, Xololanxinxo.com, Daniel Rodriguez aka Xololanxinxo, nous rappelle les liens étroits entre scat et rap.

Jazzy Girl