28.2.08

La haine dure trois ans


C'est d'ailleurs là que se sont formés bien des meneurs de l'insurrection de 2011 : de nombreux témoignages montrent que la cohabitation, derrière les mêmes barreaux, de la jeunesse politisée et de la jeunesse criminelle a eu un effet que l'on pourrait qualifier d'entraînement mutuel.


Eric Hazan, épilogue de Changement de propriétaire. La guerre civile continue, Seuil, 2007.

26.2.08

Mitchum

Quand on s’angoisse de savoir quel a été le plus beau jour de sa vie, l’acteur sacré du cinématographe dit qu’il n’oubliera jamais le jour où il a reçu le césar des propres mains d’Oscar, ou l’Oscar des propres mains de Marius, il ne sait plus, il est ému – il étouffe un court sanglot, admirable de pudeur.


Robert Mitchum se souvient : “Le plus beau jour de ma vie ? C’était vendredi dernier. On a arrêté le tournage deux heures plus tôt que prévu.”


Pierre Desproges, Chronique de la haine ordinaire, 8 mai 1986.

22.2.08

Casse-toi, maman

Tu es sur le quai, la vitre du train nous sépare. Un mois, dis-tu, ce n'est pas long. Ce qui est long, pesant pour moi, c'est cet au revoir dans ce compartiment bourré de petits colons. Taches de rousseur, cicatrices, pataquès, toute cette vivacité déplacée. La vitre du train fait loupe, grossit ta tristesse. Le chagrin ne m'a jamais vaincu, il a nourri ma colère. S'il ne faut plus se revoir, qu'on en finisse vite. D'une main, je te chasse. E pericoloso sporgesi. Casse-toi, maman.

Jean-Marc Parisis, Depuis toute la vie, Grasset, 2001

20.2.08

Just another manic monday


A l'instigation de Marie, les six manies nominées sont :

1. Quand je prends le métro aérien ligne deux, je revis immanquablement les déambulations de Martin Terrier au début de La position du tireur couché
2. Je suis un inconditionnel du chiffre 9 depuis que Dante en fit le chiffre de l’amour
3. Il m’est impossible de lire dans le train sans penser au plus mauvais roman de Michel Houellebecq – auteur que j’apprécie et que j’ai parfois lu dans le train
4. L’héroïne dépressive de Promenade (par Régis Jauffret) me saute à la gorge boulevard des Batignolles à chaque fois que j’y passe
5. Qui me croise rue du Cardinal-Lemoine m’entendra certainement entonner « Viens Poupoule » comme le faisait Joyce quand il y habitait
6. Rares sont mes virées rive gauche ne se soldant pas par un détour rue Servandoni, où Faulkner a passé l’automne 1925


Les heureux gagnants de l’opération tâche d’encre sont :

Eric Chevillard (parce qu’il me fallait un prétexte, fût-il futile, pour le contacter)
Mon amie la petite souris (pour lui changer les idées)
Les trois mousquetaires de « Je résiste à tout » (pour voir si leur cadavre exquis bouge encore)
J’irai cracher pour vos blogs (pour Vian et pour le reste)
Thomas Mossian (le TROP RARE Thomas Mossian)
Rive Gauche (pour ma sixième manie)


Le rappel des règles est :


- Mettre le lien de la personne qui vous tague

- Mettre les règlements sur votre blog
- Mentionner six choses/habitudes/tics non importants sur vous-même
- Taguer six personnes à la fin de votre billet en mettant leurs liens
- Aller avertir directement sur leurs blogs les personnes taguées

18.2.08

Dialogue binaire


Le bien, c'est ce qu'on fait quand on aurait pu choisir de faire le mal.

Roberto Saviano, Gomorra, dans l'empire de la camorra, Gallimard, 2007.

13.2.08

Tu n'as pour moi ni amour, ni pitié même,
Mais ne suis-je pas beau, juste un peu ?
Tes mains posées sur mes épaules et blême
De désir, tu détournes les yeux.

Jeune femme au rictus sensuel,
Je ne suis ni tendre avec toi, ni grossier.
Dis-moi, combien de lèvres tu te rappelles ?
Combien d'hommes tu as caressés ?

Je sais bien qu'ils passaient comme une ombre,
Sans effleurer ta flamme un seul soir ;
Toi qui connus des genoux sans nombre
Sur les miens maintenant tu vas t'asseoir

Que tes yeux restent à demi-ouverts,
En pensant à un autre que moi ;
Noyé aussi dans le lointain qui m'est cher,
Je ne t'aime qu'un peu, sans émoi.

N'appelle pas destin cette ardeur,
Un désir prompt ne peut pas durer.
Je t'avais rencontrée par hasard,
Et en souriant je vais te quitter.

Oui, dispersant les jours sans joie, sans lumière,
Tu suivras de nouveau ton sentier
Mais fuis ceux qui jamais n'embrassèrent,
Laisse en paix ceux qui n'ont pas brûlé.

Et quand avec un autre, sans peine,
Tu passeras en causant de l'amour,
Il se peut alors que je me promène
Et qu'ainsi nous nous croisions un jour

Détournant de l'autre ton regard
Et penchée vers moi, ni gaie, ni triste,
Tu diras calmement : "Bonsoir !"
Et je te répondrai : "Bonsoir, miss"

Et rien ne viendra troubler nos âmes
Et rien ne les fera frissonner :
Qui brûla est insensible aux flammes
Qui aima ne pourra plus aimer.

4 décembre 1925

Sergueï Essenine, L'Homme noir, Circé, 2005

9.2.08

La maison aux oiseaux


Gaby Naudé, historien rattaché à la Cité : « La victoire par penalty sifflé fautivement, en quart de finale de Mondial, suffit à réveiller le frisson de l’osmose des peuples primitifs : on voit à quel point la nostalgie est profonde pour qu’un stimulus si médiocre obtienne le résultat de foules déchaînées et des brames aux fenêtres. »

(…)

Pierre-Hervé Fleury, Directeur financier : « Le marketing est une religion, elle t’apprend que tu n’es pas un anonyme ; tu es une être identifiable, il existe des produits qui peuvent te révéler, pour que tout le monde comprenne qui tu es, ta vraie réalité, ton pur Dasein. »

(…)

J.-B. Massillon, Directeur des Relations humaines : « Nous avons vu des familles effacer le temps d’un week-end dix années cumulées de crédit à la consommation »

(…)

Les entreprises sexuelles sont trop jeunes pour supporter la concurrence. Le marché reste à établir, les règles à définir, la protection des employés, la protection des clients. Il y a là tout un chantier à normaliser afin d’assurer les bénéfices dans la rigueur, la transparence et le souci des intérêts de tous.


Charles Robinson, Génie du proxénétisme, Seuil, Fiction & Cie, 2008.

7.2.08

Nous ne disons que le strict superflu, afin d'imiter la légèreté qui nous fuit. Toutes nos phrases s'achèvent par des points d'exclamation que nos demi-sourires avalent goulûment. Je referme ma main sur sa nuque et sesn ses pieds exiger du sol quelque élan. Mon autre main caresse sa hanche et bien sûr l'invite à tourner. Le souvenir n'est que chorégraphie et souplesse, là où la vie nous faisait nous cogner aux angles de la table et nous prendre le pied dans la pelure du tapis. Mais je vais partir si loin, si seul, que lésiner n'est pas à mon programme amer.

Claro, Madman Bovary, Verticales, 2008

3.2.08

Les noms indistincts


La richesse vise à son acroissement indéfini, mais elle n'a pas le pouvoir de s'excéder elle-même. La naissance y prétend, mais elle ne le peut qu'au prix de sauter de la filiation humaine à la filiation divine.


Jacques Rancière, La haine de la démocratie, La Fabrique éditions, 2005.