26.1.10

'Jour, Nal, je suis venu te garder.


Tout journal relate la lutte d’un homme seul contre tous. Il est par conséquent destiné à séduire, circonvenir ou intoxiquer l’ennemi.


Sa vie l’ennuie. Il en tient pourtant la chronique scrupuleuse dans son journal en se disant que peut-être elle l’intéressera davantage plus tard, à la relecture.


Eric Chevillard, "775" (dimanche 10 janvier 2010, saint Guillaume) & "787" (vendredi 22 janvier 2010), in L'autofictif {http://l-autofictif.over-blog.com/}

14.1.10

Ca déchire


- Il y a vingt-deux ans que je suis libraire, et je n'ai jamais vu ça. Nous avons un système vidéo et vos exactions ont été filmées. Pouvez-vous m'expliquer ? Pourquoi détruire des livres ? Et il semble que vous ne vous attaquiez pas à n'importe quel auteur ! Vous avez quelque chose contre la littérature ?
- Pardonnez-moi. J'ai trop bu ce soir. Je ne sais pas ce qui m'a pris. C'est venu comme ça. Je n'ai pas fait exprès de choisir ces auteurs, c'est juste qu'ils se trouvaient là, sur la table. Je n'ai rien contre la littérature, au contraire et bien évidemment je vais vous dédommager des pertes subies. Vous pouvez même m'infliger une amende...
- Je pourrais aussi appeler la police et déposer plainte.
- Pour un Bolaño ?
- Pourquoi Bolaño, en particulier ?
- Avez-vous lu Etoile distante ?
- Bien sûr...
- Et vous trouvez normal qu'à la fin du livre Carlos Wieder se perde dans les brumes, grâce à l'insigne lâcheté de l'auteur ? Nul le saura jamais si le détective Romero l'a tué ou non. Comment survivre à cette énigme ?

La libraire ne put s'empêcher de sourire en haussant les sourcils. Elle alluma une cigarette en me regardant attentivement.
- Et c'est cette raison qui vous a poussé à détruire son oeuvre ?
- J'ai agi par idéalisme littéraire !
- Et que reprochez-vous à Vila-Matas ?
- La fin terrible du Voyage vertical.
- Je ne me souviens plus très bien comment Mayol s'en tire...
- Il s'en tire, comme vous dites justement, par une pirouette des plus déplaisantes... Une ligne de dialogue : "Finalement, murmura Mayol."
- Plutôt génial pour le mot de la fin...
- Je crains que nous ne puissions nous entendre.
- Et Fresan ?
- Là, c'est une insulte générale à l'art du romancier.
- Qu'entendez-vous par là ?
- Mais son personnage est une ville !

Antoni Casas Ros, Enigma, Gallimard, 2010

12.1.10

Nerd rules

L'adolescent, bon élève, aurait tenté de s'introduire dans le système de gestion des notes pour amélorer ses résultats, selon la gendarmerie.
Furieux d'avoir échoué, il aurait envoyé 40.000 mails à partir du système informatique du collège qui s'est retrouvé bloqué pendant quatre jours à partir du 30 septembre.


Liberation.fr, 12 janvier 2010
(http://www.libelille.fr/saberan/2010/01/il-pirate-le-syst%C3%A8me-informatique-du-coll%C3%A8ge-pour-modifier-ses-notes.html)

11.1.10

And the winners are


Inglorious Basterds, Quentin Tarantino
Los Abrazos rotos, Pedro Almodóvar
Still Walking, Kore-Eda Hirokazu
Antichrist, Lars Von Trier
Public Enemies, Michael Mann
35 rhums, Claire Denis
Gran Torino, Clint Eastwood
Le Père de mes enfants, Mia Hansen-Løve
Ponyo
, Hayao Miyazaki
J'ai tué ma mère, Xavier Dolan


5.1.10

Air et Tic

A FRANCOIS MAURIAC

Le 14 [janvier 1933.]


Monsieur,

Vous venez de si loin pour me tendre la main qu'il faudrait être bien sauvage pour ne pas être ému par votre lettre.
Que je vous exprime d'abord toute ma gratitude un peu émerveillée par un tel témoignage de bienveillance et de spirituelle sympathie.
Rien cependant ne nous rapproche, rien ne peut nous rapprocher ; vous appartenez à une autre espèce, vous voyez d'autres gens, vous entendez d'autres voix. Pour moi, simplet, Dieu, c'est un truc pour penser mieux à soi-même et pour ne pas penser aux hommes, pour déserter en somme superbement.
Voyez combien je suis argileux et vulgaire !
Je suis écrasé par la vie, je veux qu'on le sache avant d'en crever, le reste je m'en fous, je n'ai que l'ambition d'une mort peu douloureuse mais bien lucide et tout le reste c'est du yoyo.
Bien sincèrement je vous prie.

Destouches Céline