25.5.07

Livres pour les poches

Hubert Selby Jr. Waiting Period (10/18)
Ultime parabole géniale et noire du maître Selby. Long monologue aux accents céliniens parfaitement traduit par Claro (encore lui).

"Et me voilà ici à présent à attendre. Le système pourri ne fonctionne pas. Toujours le système. Impossible d'y échapper. Cette saleté de vie merdique. Veut juste me torturer. Je trouve enfin un but dans ma vie et ils font tout capoter. Me laissent même pas me suicider bon dieu de merde. Quelle sorte de folie est-ce là ? Ils continuent de vous presser jusqu'à ce qu'il reste rien.(...) D'abord ils vous rendent la vie impossible, puis ils vous empêchent de mourir. Attendre. Ouais, bien sûr, attendre c'est tout. Rester là à laisser l'air rentrer en force dans vos poumons. Si seulement je pouvais juste arrêter de respirer, mais non, ça serait trop facile. Fumiers, salopards ! C'est eux qui devraient mourir. C'est contre eux que je devrais retourner mon flingue. Peut-être un de ces automatiques."




Driss Chraibi Le Monde à coté (Folio)
Livre autobiographique déjanté du plus iconoclaste et libéré des auteurs marocains, décédé le mois dernier.

"Crest. 24 juillet 1999. Six heures et demie du matin.
Je viens de déposer les sacs-poubelle dans le container du coin de la rue et d'acheter Le Dauphiné Libéré au Bar Des Halles. Un titre en première page m'a sauté aux yeux : HASSAN II EST MORT. Les habitués du café commentaient les nouvelles locales en sirotant leurs verres de vin rouge. Je les saluai et ils me souhaitaient une bonne journée. Le ciel était pur.
De retour chez moi, je trouvai Sheena en tête à tête avec sa première tasse de thé. Sur le plus grand brûleur de la cuisinière, une casserole d'eau était en train de chantonner, de quoi remplir une autre théière dans un petit moment. Je pensais à Alphonse Allais. "Je me susi longtemps demandé pourquoi les Anglais aimaient tant le thé, disait-il. Et puis, un jour, j'ai goûté leur café..." Sheena n'est pas anglaise, mais écossaise. Elle tient énormément à son idéntité. Mais le thé est le thé. Ses yeux sont toujours d'un bleu paisible et elle n'a pas pris une ride en vingt et un ans de mariage.
Elle a bu une deuxième tasse, lentement, le temps de la réflexion peut-être bien, avant de me dire :
- On t'a téléphoné hier soir du Maroc. La radio d'état voulait enregistrer ta réaction à chaud. C'est Tarik qui a pris la communication. Il a répondu que tu dormais et qu'il ne se permettrait pas de te réveiller. Tu connais Tarik.
Je crois le connaître en effet : quinze ans d'âge, un mètre soixante-quinze, le laconisme en chair et en os. J'imagine aisément ce qu'il a dit :
- Oui ?...Oui...Quel roi ?...Ah ?...Pas possible, il dort. Salut."


Jean-Paul Dubois Parfois je ris tout seul (Points Seuil)
Un petit recueil de textes courts, de chroniques furtives et d'historiettes décalées par le plus gentiment obsessionnel de nos auteurs contemporains.

"Elle dit des choses graves qui, normalement, devraient me démolir. Elle s'en prend à notre vie, à ce que j'en ai fait. Elle a sans doute ses raisons pour me reprocher tout cela. Ce qu'elle ignore, c'est qu'en ce moment même, au coeur du drame, malgré ses cris et ses reproches, je ne l'entends pas. Assis dans mon fauteuil, la tête légèrement inclinée, je n'écoute que le bruit de la pluie qui rebondit sur les tuiles du toit. Et je pense à toute l'herbe qui pousse. Et à la tondeuse qui m'attend."

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