Je suis aimé de ce qu'on eût appelé au dix-huitième siècle une "femme de qualité". Sa tendresse a fini par m'amollir le coeur. Bien qu'elle n'ait que dix ans de moins que moi, notre désir de peau, qui n'a fait que croître régulièrement jusqu'ici, semble pouvoir durer longtemps. Enfin, elle est d'une si parfaite "éducation", si respectueuse de la dignité humaine, si patiente et si activement dévouée, que le conditions d'une vie commune me semblent réunies.
Roger Vailland, Ecrits intimes, 1950.
31.12.07
Désir de peau
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30.12.07
Comme le bois d'un rocking-chair
Quelquefois je reste là, enroulé sur moi-même jusqu'à minuit, je me réveille, je lève la tête, à l'endroit des genoux mon pantalon est trempé de salive tant j'étais replié, lové sur moi-même, comme un petit chat l'hiver, comme le bois d'un rocking-chair ; je peux m'offrir le luxe de m'abandonner car je ne suis jamais vraiment abandonné, je suis simplement seul pour pouvoir vivre dans une solitude peuplée de pensées, je suis un peu le Don Quichotte de l'infini et de l'éternité, et l'infini et l'éternité ont sans doute un faible pour les gens comme moi.
Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Laffont, 1983 (pour la trad. française)
Eloge de la fuite
Vous connaissez sans doute un voilier nommé "Désir".
Henri Laborit, Eloge de la fuite, Robert Laffont, 1976
25.12.07
§ 285 EXCELSIOR
Il existe un lac qui, un jour, s'interdit de s'écouler et qui projeta une digue à l'endroit où il coulait jusque-là : depuis lors le niveau de ce lac ne cesse de s'élever. Peut-être ce type de renoncement nous fournira-t-il la force qui permet de supporter le renoncement même; peut-être l'homme ne cessera-t-il de s'élever toujours plus haut à partir du moment où il aura cessé de s'écouler en un Dieu.
Friedrich Nietzsche, La Gaya scienza - Livre IV
23.12.07
Notre idée de l'immortalité, ce n'est guère que la permission pour quelques-uns de continuer à vieillir un peu une fois morts.
Julien Gracq, Préférences, José Corti, 1989
22.12.07
Dialogue pavillonnaire
- Naïfs pris au cou coupeurs de bourse
(François Villon)
- Adieu Adieu / Soleil cou coupé
(Guillaume Apollinaire)Envoyer par e-mailBlogThis!Partager sur XPartager sur FacebookPartager sur Pinterest
Le bourdon à l'américaine
Et voilà que le coup de bourdon nous tombe dessus, le vrai bourdon noir et nauséeux made in U.S.A., pire que tout au monde, pire que le bourdon des Andes (villages de haute altitude, le vent glacé qui descend des montagnes de cartes postales, l'air raréfié qui te prend à la gorge comme la mort, et l'Equateur avec ses petites villes en bordure du fleuve, la malaria grise comme la came sous le bord noir et empoissé du panama, les escopettes qu'on charge par la gueule, les charognards qui piochent du bec la boue séchée des rues). Pire même que le bourdon que tu attrapes en Suède quand tu débarques du fery à Malmoe (pas de taxe à bord sur la picolette), et ce coup-là est pourtant assez vicieux pour refroidir toute la bonne gnôle hors douane du ferry et tu te retrouves plus bas que terre : sur ce, les regards fuyants et le cimetière au beau milieu de la ville (à croire que toutes les villes suédoises sont bâties autour du marché aux ci-gît), et rien à faire tout au long de l'après-midi, ni bistro ni cinéma - alors je m'étais envoyé ma dernière pipe de bon kif de Tanger et javais dit à K.E. : "Viens, on retourne tout droit au ferry."
Mais le bourdon à l'américaine est pire que tout. Tu ne peux pas mettre le doigt dessus, tu ne sais pas d'où il vient. Prends un de ces bars préfabriqués au coin des grandes casernes urbaines (chaque bloc d'immeuble a son bar, son drugstore et son supermarket). Dès que tu ouvres la porte, le bourdon te serre les tripes. Tu as beau chercher, c'est impossible à expliquer. Ca ne vient pas du garçon, ni des clients, ni du plastique jaunasse qui recouvre les tabourets de bar, ni du néon tamisé. Pas même de la T.V... et les habitudes se cristallisent en fonction de ce bourdon quotidien, tout comme la cocaine finit par durcir l'organisme contre le coup de batôn en fin de parcours...
William Burroughs, Le Festin Nu, Olympia Press, 1959 (pour l'édition originale)
20.12.07
Marcher sur la rivière
Je ne corne jamais les pages des livres de Hubert Mingarelli parce que c’est un continuum de littérature, à dire à l’Université et aux enfants le soir.
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18.12.07
Pour le monde, pour soi-même
Dès ma prime jeunesse j'ai pris conscience qu'une disposition particulière en moi me différenciait des autres. Ceux-ci n'aspirent qu'à acquérir les richesses extérieures, quand je n'ai pas à m'en préoccuper, porteur que je suis d'un trésor dont la valeur dépasse de loin toutes ces richesses.
Arthur Schopenhauer, A soi-même, "3. Vers 1822", L'Anabase, 1992.
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16.12.07
Un défaut en amour, précisément
C'est que je ne prends pas assez mon parti, par une sorte d'indifférence ou de lâcheté.
(...)
C'est que nous prenons les autres comme des occasions de nous rendre meilleurs.
(...)
Il arrive bien que je me dise aussi , chaque soir : "Comme je suis meilleur que ce matin." Mais je me flatte peut-être. Ou si tout se perd pendant la nuit...
Jean Paulhan, Progrès en amour assez lents, 1916.
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13.12.07
French Culture, uh ?
What those foreigners are missing is that French culture is surprisingly lively.
Its movies are getting more imaginative and accessible. Just look at the Taxi films of Luc Besson and Gérard Krawczyk, a rollicking series of Hong Kong-style action comedies ; or at such intelligent yet crowd-pleasing works as Cédric Klapisch's L'Auberge Espagnole and Jacques Audiard's The Beat That My Heart Skipped, both hits on the foreign art-house circuit.
French novelists are focusing increasingly on the here and now : one of the big books of this year's literary rentrée, Yasmina Reza's L'Aube le Soir ou la Nuit (Dawn Dusk or Night) is about Sarkozy's recent electoral campaign.
Another standout, Olivier Adam's A l'Abri de Rien (In the Shelter of Nothing), concerns immigrants at the notorious Sangatte refugee camp. France's Japan-influenced bandes dessinées (comic-strip) artists have made their country a leader in one of literature's hottest genres: the graphic novel. Singers like Camille, Benjamin Biolay and Vincent Delerm have revived the chanson. Hip-hop artists like Senegal-born MC Solaar, Cyprus-born Diam's and Abd al Malik, a son of Congolese immigrants, have taken the verlan of the streets and turned it into a sharper, more poetic version of American rap.
Don Morrison, The Death Of French Culture, Time Magazine, 2007
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Dialogue ordinaire
- Non, qui est-ce ? Tu as couché avec lui ?
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11.12.07
Enfant de Cayenne
Roger Nimier appartenait décidément à ce passé dont nous voulions faire table rase, et lorsque nous criions dans les manifestations "Flics, fascistes, assassins", je priais pour que l'on ne découvrît pas un jour d'où je venais. Un père royaliste, ça la fichait mal. J'aurais toujours pu me défendre en nuançant ses positions, ressortir l'épithète "anarchiste de droite", bien utile en ce genre d'occasion, mais qu'aurais-je répondu si l'on avait appris que l'ignoble Louis-Ferdinand, l'auteur de Bagatelles pour un massacre, m'avait fait sauter sur ses genoux, et pis, que je gardais de mes visites à Meudon un souvenir merveilleux ?
Marie Nimier, La Reine du silence, Gallimard, 2004.
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10.12.07
On croit rêver
J'ai en face de moi un ennemi redoutable : le rêve de la gratuité.
Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture.
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6.12.07
I AM THE NEXT ACT WAITING IN THE WINGS
I AM AN ANIMAL TRAPPED IN YOUR HOT CAR
I AM ALL THE DAYS THAT YOU CHOOSE TO IGNORE
YOU ARE ALL I NEED
YOU ARE ALL I NEED
I AM IN THE MIDDLE OF YOUR PICTURE
LYING IN THE REEDS
I AM A MOTH WHO JUST WANTS TO SHARE YOUR LIGHT
I'M JUST AN INSECT TRYING TO GET OUT OF THE NIGHT
I ONLY STICK WITH BECAUSE THERE ARE NO OTHERS
YOU ARE ALL I NEED
YOU ARE ALL I NEED
I AM IN THE MIDDLE OF YOUR PICTURE
LYING IN THE REEDS
S'ALL WRONG
S' ALRIGHT
S' ALRIGHT
S'ALL WRONG
S' ALRIGHT
S' ALRIGHT
S' ALRIGHT
Radiohead, ALL I NEED, In Rainbows, 2007.
Dialogue para-littéraire
- Ici, rien à apprendre, le désert, un ruban de mots comme une piste sans fin, sans but, qui ne mène nulle part, et qui s'achèvera sans doute comme elle a commencé, dans la muflerie et le ricanement.
(Régis Jauffret, Univers, univers, 2003)
- Je vais continuer d'égrener ces années, sans nostalgie mais d'une voix précipitée. Ce n'est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite, ou alors je n'en aurai plus le courage.
(Patrick Modiano, Un pedigree, 2005)
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3.12.07
L'aborder en plongée
(...) Ferrer ôte son tricot et retourne se coucher.
Facile à dire. Magnifiquement proportionnée, décidément, l'infirmière Brigitte n'en occupe pas moins la totalité de la couchette : plus de place pour y glisser ne serait-ce qu'un bras. Sous aucun angle on n'y peut accéder latéralement. N'écoutant que son courage, Ferrer choisit de l'aborder en plongée en s'étendant sur l'infirmière avec toute la délicatesse dont il dispose. Mais Brigitte commence à gémir désapprobativement. Elle se refuse et se débat au point que Ferrer pense un moment que c'est cuit mais, par bonheur et par paliers, l'infirmière finit par se détendre. On s'occupe et ne peut s'occuper qu'avec une marge de manoeuvre restreinte, l'étroitesse de la couchette interdisant plus de combinaisons qu'elle n'en permet : on ne peut se disposer que l'un sur l'autre, quoique alternativement et dans les deux sens, ce qui n'est déjà pas mal. On prend son temps vu que c'est dimanche, on s'attarde et ne sort de la cabine qu'à dix heures du matin.
Jean Echenoz, Je m'en vais, Editions de Minuit, 1999
2.12.07
Eschatologie
SAMUEL BUTLER.
Gaston Bachelard, épigraphe dont s'orne le chapitre premier de L'Intuition de l'instant ("L'Instant"), 1931.
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