6.4.09

That sea

En traversant les petites ruelles qui mènent au casino, je suis passé devant chez Oum-Sami, la couturière dont le mari avait filé avec une femme de chambre égyptienne. Elle était occupée à planter des épingles dans la robe blanche d'une jeune fille qui se marierait dans une chapelle exiguë, au son d'un enregistrement de cloches électroniques de mauvaise qualité qui grésillerait sans doute comme un vieux disque des années 1930 ; le père avait accepté pour gendre un ingénieur canadien entre deux âges, la mère s'affairait à pétrir de la pâte, à rassembler des chaises et à hacher le persil en vue du grand jour, le frère s'apprêtait à tirer des coups de fusil en l'air pour célébrer le dépucelage officiel de sa petite soeur et le cousin, dans sa longue voiture rutilante, allait la conduire à l'autel puis jusqu'à un navire sur la Méditerranée. Cette mer emplie de larmes de pharaons, d'épaves de vaisseaux pirates, d'ossements d'escalves, où se déversaient des rivières d'eau usées charriant des tampons hygiéniques français.



Rawi Hage, De Niro's Game, traduit de l'anglais (Canada) par Sophie Voillot, Denoël, 2008.

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