13.9.08

Tant que cela ronronnait

L'existence d'Elizabeth, dès lors, se fissura, à sa grande surprise, elle pour qui le temps existait à peine et le réel moins encore, qui la força pourtant à procéder en toute hâte à de nombreux ajustements. Elle n'avait pas du tout la vie dont elle avait rêvé, petite fille, à Paris, jeune femme moins encore. Mais elle avait appris à s'en moquer, à n'en concevoir aucun regret. Depuis quinze ans, elle était la femme d'un homme qui la trompait, y compris avec des hommes, sans que cela ternisse l'attachement insolite, solitaire, impartagé qu'elle éprouvait à son égard - un homme auquel elle avait fait sexuellement allégeance au mépris de ses convictions sans que cette contradiction la trouble. De cela elle s'était nourrie, avait nourri son fils, de cela elle ne pensait pas grand-chose tant que cela ronronnait

Mathieu Riboulet, L'amant des morts, Verdier, 2008

Aucun commentaire: