6.7.07

Un Modigliani sous LSD

Sous l'effet de la peur, les yeux d'Auralee se firent aussi globuleux que ceux d'une grenouille. Son cou parut s'allonger...on aurait dit un Modigliani sous LSD. Elle tendit les bras et griffa le vide. Deux jets vermillons giclèrent de ses narines et tachèrent son chemisier Donna Karan, puis une mince rigole rouge se fraya un chemin entre ses lèvres.

Muffy Snitbread-Gritz et Reggie Spoon hurlèrent.

- Mein Gott ! gémit Sonja Dreckenzorfer.
- Nom de Dieu ! fit John Dough traduisant exactement ma pensée, , tout en installant Auralee sur une bergère Louis XVI.
- Pancho, appelez un médecin ! criai-je.

Le corps d'Auralee se raidit, son visage, aussi gonflé qu'une tique gorgée de sang, frémit, et - j'hésite à raconter cela, mais il le faut, il le faut - deux épais geysers de sang jaillirent de ses oreilles puis coulèrent sur son coup, un oeil se dilata, devint aussi gros qu'un oeuf de caille au plat, la lentille de contact vola puis, comme dans un roman de Stephen King - mais ce n'était pas une fiction tordue, c'était une urgence médicale d'une réalité insoutenable - , l'oeil jaillit de son orbite avec une violence telle que tout le tissu qui le retenait fut arraché, et comme un ballon parfaitement lancé par Michael Jordan, la sphère à iris bleu décrivit une parabole d'une exactitude mathématique puis tomba, tel un plongeur de haut vol, dans le saladier de cristal contenant le sorbet à la goyave, à présent fondu.

Michael Guinzburg, in L'Irremplaçable Expérience De L'Explosion De La Tête (Top Of The World, Ma !), Gallimard, Noire, 1997

2 commentaires:

Gui / Billy a dit…

Savoureux échantillon Herr Lektor, malgré une tendance incontinente au name dropping qui n'était pas dans l'extrait lu à Flandre à Mxxxxxx et moi - en avant-première, donc.

Damien a dit…

J'aime le name-dropping.