19.10.07

Tocs

Si Philippe ne m'avait rien dit aujourd'hui, je serais encore à remettre tous les objets que je croise à leur place. Je viens de me lever pour enlever, au sopalin mouillé, les gravillons de la litière de Spouque qui me barrent la route devant la porte d'entrée et la salle de bains. De peur que Philippe et Ernest marchent dessus et les dispersent un peu partout. Voilà du matin au soir de quoi je me tracasse. Moi qui gueulais si fort contre ma mère quand elle remettait en place les franges du tapis de notre chambre. J'ai toujours eu une grande gueule. Je suis aussi tarée ? Il y a aussi les fringues. Dans ma tête je pense à comment les superposer, comment les associer. Je prépare toujours mes vêtements la veille, le matin ce serait trop l'angoisse. Je peux m'habiller n'importe comment, je suis mère au foyer.

(...)

Je prends des gélules jaunes et bleues. Je suis allée voir un psychiatre. Depuis, le ménage passe avant tout. Je ne ressens plus de jalousie, ni dégoût de moi-même, haine envers cetet connasse qui n'arrive à rien sauf que tout soit propre et surtout, surtout, bien à sa place. Je pleure beaucoup moins, je crie moins, je ne me frappe plus la tête ou les cuisses très fort. J'ai beaucoup moins envie de vomir. Les gélules stabilisent. Du matin à 6 heures jusqu'à 15 heures, je m'active. Pour ce foutu appart de merde. En début d'année, je m'étais fixé deux heures de travail par jour, au moins assise devant l'ordinateur. Trop demandé. Je passe mes journées l'aspirateur à portée de main, à remettre en place les objets légèrement déplacés par la vie, je souffle parce que Spouque est encore allée dans la litière et a certainement foutu plein de gravillons partout.

Anne-Catherine Fath, Rude, L'Insulaire, 2007

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